#Mondoblogdakar : à la poursuite de Charly
Un billet écrit par Florian Ngimbis sur Kamer Kongossa

J’ai adoré Dakar. Dakar des dibiteries, ces petits restaurants dans lesquels on vend un délicieux mouton grillé ; J’ai adoré le froid polaire qui vous blanchit la peau comme celle d’une signare. J’ai adoré la gazelle, cette bière sans goût qui a renforcé mon amour pour la Castel. J’ai adoré le Tièp, omniprésent.
Mais ce que j’ai par-dessus tout adoré ce sont les chauffeurs de taxi.
Le chauffeur de taxi dakarois est un personnage. Un monument à classer au patrimoine mondial de l’humanité.
Quelqu’un a dit qu’on rencontre sa destinée par les chemins qu’on emprunte pour l’éviter. A Dakar, on rencontre sa destinée en empruntant un taxi. Pour moi, ça a commencé par une sortie. Encore un de ces endroits que tout le monde vous recommande : Charly Bar. The place to be selon les guides touristiques. J’aurais préféré un maquis ou une dibiterie, mais bon… A défaut de ce qu’on aime…
Me voilà avec trois mondoblogueurs, trois cousins ivoiriens avec leurs airs de dozo* et leurs maillots orange qu’ils mettent même pour se coucher. Taxi !
Taxi… un mot, un titre, le début d’un film.
Le chauffeur cause français, et nous lui indiquons le nom de l’endroit. Chez Charly vous connaissez ? Il hoche la tête dans l’obscurité, façon margouillat. Tandis que l’antique voiture démarre dans un éclatement de pot d’échappement, je me racle la gorge dans la perspective de l’arrosage qui m’attend.
45 minutes plus tard, quelque part dans Dakar
« Mais tonton, Charly là c’est loin comme ça ? »
Le type, faussement concentré sur sa conduite ne répond pas. Son manège devient inquiétant. Il semble attendre que nous le guidions. Un carrefour, deux carrefours, troisième carrefour, vendu. On est perdu. Il freine sans prévenir et nous débite une longue phrase en wolof.
Alléluia ! Nous sommes témoins d’un miracle : le chauffeur ne cause plus français.
La joie du miracle n’a pas duré longtemps. Surtout qu’à l’horizon, nous n’apercevons point de Charly bar.
Un passant compréhensif sorti de nulle part nous renseigne. Nous insistons pour qu’il renseigne plutôt le chauffeur ce qu’il fait via une tirade en wolof. Demi-tour, nous revoilà partis.
Un rond-point, deux ronds-points, virage à gauche et nous retrouvons dans une ruelle sombre. Les habitations se font rares et en lieu et place de la musique promise chez Charly, nous avons un concert de grillons.
Même les dozos ivoiriens, habitués aux endroits bizarres sont mal à l’aise. Demi-tour.
Le type est définitivement perdu et son seul but semble désormais de nous éjecter de son taxi. Nouvelle salve en wolof. Tatatatatatatatatatatatatata ! On dirait une mitrailleuse allemande qui crache des balles wolof. Les dozos ivoiriens descendent, je les suis. Affaire de guerre c’est leur spécialité, mieux vaut me fier à eux.
30 minutes plus tard…
Hosanna ! Alléluia ! Gloire à Dieu ! Allah est grand ! Après vingt minutes de marche à l’aveugle, des gendarmes nous ont renseignés et nous voilà enfin Chez Charlie. Heu… Sauf que nous sommes devant des portes fermées : Charlie n’ouvre pas le mardi.
Wèèè Dieu ! On t’a fait quoi ?
Pas question de rentrer dormir. Conseil de guerre avec le général des dozos ivoiriens. Charly est fermé, alors nous irons chez Fabrice, chez Maurice, ou même chez Doukouré, mais nous les boirons ces bières !
Taxi ! Je devrais dire Taxi 2, la suite de la saga.
Le gars cause français. Comme toujours au départ.
Tonton dépose nous à Via Via. Il paraît que c’est chaud dans le coin. Tu connais ?
Via Via ? Mais c’est chez moi ! Je passe devant en sortant chaque matin. Ouf ! Enfin quelqu’un qui a un gps intégré.
15 minutes plus tard.
Le taxi s’arrête devant un bar.
De la musique, du son. Mais nous ne sommes pas au Via Via ! La plaque du bar indique « Piano-Piano ».
Qu’est ce qu’on fiche là ? Qui peut confondre « Via Via » et « Piano Piano » ?
Le miracle a lieu une fois de plus, le chauffeur ne cause plus que le wolof !
Le général des dozos m’envoie en éclaireur. Je suis camerounais, de la chair à canon. Le Piano Piano est un bar miteux, sans piano. Deux ou trois filles multicolores à force de dépigmentation m’observent dans un coin. Pas mon type de lianes. Trois types bleus à force d’être noirs font semblant de jouer au billard. Je sors en courant.
Le général rassemble ses dozos et sonne la retraite : on rentre à l’hotel. Tu connais Thialy ?
Oh miracle ! Le type reparle français ! Bien sûr qui ne connaît pas Thialy ?
La troupe repart. Il fait froid. On a soif, on est énervés. Mais surtout chacun aiguise sa machette et prépare ses poings. Si le chauffeur s’égare, il payera pour les « égarements » des autres. « C’est deuxième gaou qui nyatta ! ».
Vingt minutes plus tard…
Il ne s’est pas égaré. Nous sommes bien à Thialy. Mais il nous faut payer le double du prix convenu. Pour le détour vers « piano piano ». Nous n’avons même pas la force de discuter. Le général en premier lève le drapeau blanc. On paye.
Consolation devant un café touba. Nous avons perdu la guerre de la nuit.
L’oraison funèbre de notre soirée à été prononcée par le capitaine Suy :
« Les gars Charly là, si on part pas là bas est ce qu’on va mourir ? Allons dormir ! »
Générique de fin
Par ordre de commandement
Général des dozos : Cyriac Gbogou alias Siriki
Capitaine dozo : Moussa Bamba
Sergent dozo : Suy Kahoffi
Tirailleur dozo : Florian Ngimbis
Dans le rôle du méchant : chauffeur de taxi mal habillé.
*Dozo : ancien chasseur de rats devenu soldat grâce à la crise ivoirienne.
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